Désormais privé de son regretté scénariste et ami Hubert, le dessinateur Zanzim nous revient en auteur complet, quatre ans après le succès public et critique de leur « Peau d’homme » (1), avec un roman graphique aussi drôle que tendre et profondément humaniste. Il nous narre l’histoire tragico-comique de Stanislas : un petit – 1,57 m — vendeur de chaussures introverti, complexé et fétichiste, rejeté par tous. D’autant plus qu’il n’est également pas très grand dans sa tête, car il se comporte, la plupart du temps, de façon carrément maladive par rapport aux femmes (surtout si elles sont de grandes élégantes !) et que son gabarit va encore diminuer après avoir fait le vœu de devenir « un grand homme », au point de n’être pas plus grand qu’un insecte… : mais, au fait, que signifie être un grand homme ?
Lire la suite...« Arsène Lupin » T1 & 2 par Takashi Morita
Les amateurs de mangas connaissent bien évidemment « Edgar, le détective cambrioleur »(1). Mais ils ignorent souvent que ce héros est basé sur une série de romans français « Arsène Lupin ». En effet, dans la version japonaise, Edgar, qui nous est contemporain, est le troisième dans la lignée du célèbre cambrioleur. Il fut renommé en France à cause de problèmes de droit toujours détenu par la famille Leblanc. Aujourd’hui, Arsène Lupin est tombé dans le domaine public et les lecteurs français peuvent donc découvrir une partie de leur patrimoine littéraire en version manga.
Né il y a 110 ans sous la plume de Maurice Leblanc, Arsène Lupin est un héros populaire d’une série de roman et de pièce de théâtre. Ce premier volume adapte d’ailleurs la pièce « Le Diadème de la princesse de Lamballe ». C’est un huis clos m’étant en scène le célèbre voleur tentant de dérober un diadème d’une grande valeur. Pour cela, il va se faire passer pour le Duc de Charmerace. Lupin ayant remarqué sa ressemblance physique avec celui-ci durant un précédent vol de tableau familial. Le décor unique, inhérent à l’origine théâtrale de l’histoire, est ici extrêmement bien utilisé et montre bien le faste du Paris des siècles passés. La bourgeoisie et la magistrature y sont tournées en bourrique, tout comme l’inspecteur Ganimard qui poursuit inlassablement Lupin.
L’intérêt de ce récit réside dans le fait qu’il est très accessible, même au néophyte. Nul besoin de connaître les personnages, leurs origines et leurs rapports les uns avec les autres : tout y est ici parfaitement décrit. C’est une très bonne introduction à l’univers du célèbre cambrioleur : une partie de l’enfance de Lupin y étant même décrite, ce que Maurice Leblanc n’avait pas fait dans ses autres romans. C’est aussi la première fois qu’apparaît Victoire, une autre voleuse que va côtoyer Lupin.
Le second tome, « La Lampe juive», introduit le personnage parodique de Herlock Sholmès : le plus grand détective sur terre à l’origine de nombreuses légendes ! Takashi Morita a choisi de donner des airs de M. Spock avec ses oreilles en pointe à cette copie du personnage de Sir Arthur Conan Doyle. Lupin est peu présent dans ce récit, il n’y apparaît que dans la seconde moitié pour un duel nautique mémorable où il se fera passer pour mort, avant de finalement commettre son larcin comme annoncé. Tout le début étant consacré à la résolution de l’énigme policière avec tout le flegme britannique que l’on peut attendre de Sholmès.
Ce n’est pas la première fois que Takashi Morita adapte Lupin en manga. Il avait déjà fait une tentative en 2011, soit un an avant l’entrée du personnage dans le domaine public. Cinq volumes étaient sortis chez Kôdansha qui a cru bon de stopper la série suite à des ventes constamment en baisse. Passé chez Shôgakukan, Morita a pu continuer son travail d’adaptation : c’est cette version que Kurokawa édite aujourd’hui en français. Bien avant lui, d’autres tentatives d’adaptation en manga ont vu le jour, dont une assez intéressante par Go Nagai, le créateur de « Goldorak ». Une dizaine de romans furent adaptés par le studio du maître entre 1984 et 1985 (2).
Bien sûr, cela reste du manga. C’est donc une réinterprétation moderne d’Arsene Lupin, mais réalisée avec goût par Takashi Morita. Ce Japonais, passionné par le voleur français, a donc entrepris de dessiner ses aventures sans trahir les écrits originaux. On est bien au cœur de la France des années 1900 avec toute l’exubérance que la vie de l’époque permettait. Lupin prévient immanquablement de ses forfaits à venir. Il reste un gentleman avec les femmes ainsi qu’un maître du déguisement. Quant au commissaire Ganimad, même s’il est toujours prêt à arrêter ce bandit, celui-ci s’enfuit inexorablement une fois son larcin en poche.
C’est un superbe travail qui devrait peut-être donner envie aux jeunes lecteurs de se plonger dans la série originale. Et que les amateurs de l’œuvre de Maurice Leblanc ne se gênent pas pour ouvrir ce manga, ils risqueraient d’apprécier le traitement qui en est fait.
Gwenaël JACQUET
« Arsène Lupin » T1 & 2 par Takashi Morita
Éditions Kurokawa (7,65 €) – ISBN : 9782368521465
© 2013 Takashi Morita / Originally Published by HERO’S INC.
(1) Arsène Lupin n’est dans le domaine public que depuis 2012, Maurice Leblanc étant décédé en 1941 comme le souligne à juste titre Numérama. Voilà pourquoi ce personnage n’a pas pu être officiellement utilisé avant. En revanche, les héritiers de Maurice Leblanc n’ont jamais intenté de procès au Japon concernant le « Lupin III » de Monkey Punch. Néanmoins, lors de son arrivée en France sous forme d’une série d’animation, son nom fut changé en Edgar. D’autres pseudonymes lui furent trouvés comme celui de Vidocq dans le film de Miyazaki « Vidocq contre Cagliostro » ou encore The Wolf aux États unis. À noter qu’une nouvelle série TV se déroulant en Italie vient de débuter en 2015 au Japon.
(2) Pour un complément d’information, je vous laisse consulter la page consacrée aux adaptations en manga et plus générales en bande dessinée du site « Tout Arsène Lupin ».